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Ces textes inclassables sont généralement des formes courtes, de une à six ou sept pages. Certains destinés à être mis en voix devant public : notamment J’ai fait un rêve avec… (lu en compagnie de mes deux complices d’écriture, Claudie et Marie, dans le cadre de notre lecture à voix haute, « Valdinguer sous la lune ».) 

Dans J'ai fait un rêve avec..., la narratrice rencontre dans des rêves différents des personnalités, vivantes ou disparues, desquelles elle attend des réponses à ses questions existentielles. Attentes, hélas, souvent déçues...

D’autres textes, plus « doux » dans la forme, plus méditatifs, sont davantage faits pour être lus mentalement, ou pourquoi pas, enregistrés. Dans Paysages, différents narrateurs entament une sorte de retraite dans la nature. Une nature idéalisée, qui pose la question de la solitude une fois que l'on est "en son sein". En effet, comment réagit-on lorsqu'on se retrouve seul-e dans un paysage sauvage et que l'on est rattrapés par ses angoisses et ses interrogations sur la vie ?

" Il y a deux nuits je fais encore un rêve avec des gens connus.

Bien sûr que non je ne le fais pas exprès.

Je n’y peux rien s’ils s’invitent dans mon sommeil.

Cette fois il s’agit :

du pape

de Charlie Chaplin

et du Premier ministre australien.

J’accorde que c’est un mélange inattendu.(...)

Évidemment, tout me porterait à aller naturellement en premier

vers Chaplin, mais je crois que dans la vie il faut savoir sortir de sa zone de confort de temps à autre.

Alors je me dirige vers le Premier ministre australien, 

qui met un peu de temps à remarquer ma présence, vu qu’il a les yeux fermés (à cause de l’extase de la combinaison cocktail – chaise longue ?)

Il me dit :

Cocktail ?

Tout simplement.

Je décline poliment, et je pose ma question :

M. le Premier ministre, regrettez-vous de ne pas avoir agi en temps voulu pour sauver votre pays des flammes, et reconnaissez-vous à présent la réalité du changement climatique ?

Il prend une gorgée de cocktail et adopte un air étonné, qui semble sincère.

Il répond :

What would you have me do ? I’m not the one who started the fires ! 

J’insiste :

Vous avez tout misé sur l’industrie du charbon, en sachant pertinemment que ce choix augmentait les risques de dérèglement climatique

Il contrattaque :

But what is the relationship between global warming and fires ? You’re jumping to conclusions. I’m getting tired of listening to you. And I almost gave you some of my cocktail ! Get out of here !"

 

(Extrait de J'ai fait un rêve avec... 2020)

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"Finalement il n’y a aucun bruit autour de moi—sauf la cascade tout à l’heure, mais maintenant plus rien, même les rares oiseaux se sont tus. Et je suis trop loin du bord de l’eau pour entendre les couinements des éléphants de mer. Il y a les lapins fous mais qui ne font pas de bruit. Sans mes pas qui s’enfoncent dans la terre détrempée ni mon halètement je pourrais croire que je suis devenue sourde—s’il n’y avait pas ma voix je pourrais croire que j’ai basculé dans un monde irréel, où le son n’existe pas—alors je crie de toute mes forces pour être bien sûre que le son existe toujours.

Personne, rien, ne me répond.

Les lapins restent impassibles.

Je sens l’angoisse monter.

Je ne sais pas pourquoi ce n’est pas venu plus tôt…

J’ai idéalisé les endroits sauvages. Les déserts, les forêts, les steppes, les îles inhabitées…

Songeant qu’ils étaient les derniers remparts face à nos folies, les seuls endroits où enfin, je pourrais me ressourcer et trouver la paix.

Maintenant j’y suis, sur cette toute petite île déserte, vide, sans arbres, couverte d’herbe et de mousse et de rochers, où il pleut cinq fois par jour, et il n’y a rien, absolument rien, pour me cacher, au cas où… au cas où quoi ?" 

 

(Extrait de Île dans Paysages, 2019))

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