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Extrait de Conversations fantômes

 

 

"Non mais, on a quand même essayé de faire les choses proprement au début, je tiens à le dire. On expliquait aux gens qu’on ne pouvait pas les garder, on a essayé de leur faire comprendre que ce n’était plus possible, que c’était pour le bien de l’entreprise. Mais la plupart, quels égoïstes ! À ne penser qu’à leur gueule et à leur petit salaire de fin de mois, zéro empathie pour la société qui les avait embauchés pendant plus de trente ans pour certains ! 

Et pourtant on leur proposait une bonne indemnité de départ. Mais il y en a beaucoup qui n’ont pas compris, et qui ont préféré choisir la voie conflictuelle… Question de fierté, qu’ils disaient, certains. La fierté du travailleur… il y a quelque chose de grandiloquent et de tragique là-dedans mais j’avoue que j’y suis assez hermétique…(...)Après, vous savez, c’était des gens déjà fragilisés. Vous avez fouillé du côté privé ? parce qu’en général ce sont des gens déjà fragilisés… antécédents de dépression, des frais divorcés, des anciens traumatisés… on ne peut pas tout nous mettre sur le dos, non plus. On a agi avant tout pour le bien de l’entreprise. C’était ça ou couler la boîte !"

 

(Le Snipper des RH, 2020)

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Dans Porte close, pièce pour trois ou quatre acteurs, un couple est enfermé dans son appartement sans que l’on sache pourquoi. De temps en temps, des gens de l’extérieur viennent ouvrir pour leur apporter de la nourriture, des livres, ou les emmener en promenade.

Passionnée par les thèmes de l’étrangeté, de la folie, de la manipulation et de la vérité (de quel côté se trouve-t-elle ?), j’ai voulu déployer un univers trouble et inquiétant ; on ne sait jamais qui des deux personnages principaux est le plus fou, ou si c’est leur environnement qui a basculé dans la folie. 

"L’HOMME : Je te jure, je te jure qu’il se passe quelque chose, là derrière, là dehors, je n’ai rien inventé, la radio aurait pu confirmer…

 

LA FEMME : On peut regarder les infos sur internet.

 

L’HOMME : Tu as oublié ? Toutes les connexions sont interrompues depuis trois jours. plus d’internet, plus de réseau, plus rien. C’est pas possible d’avoir la mémoire aussi courte putain ! Je vais prendre ma douche

 

Il sort.

 

LA FEMME, s’adressant à lui, même s’il a quitté la pièce : Tu n’es pas obligé d’être agressif ! Puis à elle-même : Je m’en fous bien des infos moi. Ça ne fait pas de mal de déconnecter un peu. Tous les matins c’est comme ça… 

D’abord je me réveille… et je me souviens que j’ai fait un cauchemar, mais c’était juste un cauchemar et je n’y pense plus… et tous les matins il s’énerve parce qu’il n’arrive pas à allumer cette putain de radio parce qu’il veut que je me souvienne de je ne sais quoi, il me dit que j’ai une sorte d’amnésie nocturne, tous les matins il veut me rappeler les infos je ne sais pas pourquoi… je le déteste car je ne le reconnais plus quand il pète les plombs comme ça… car après, la peur revient… la peur de quoi exactement, je n’en sais rien… mais c’est une vraie peur, que je n’ai jamais ressentie avant… pourtant c’est lui qui ne va pas bien, alors je ne sais pas pourquoi je me mets dans cet état… ça me prend d’abord dans le ventre puis ça parcourt tout mon corps comme un circuit électrique, et ça n’arrange rien quand il me dit qu’on est comme en temps de guerre, mais pourquoi il dit ça, il ne va vraiment pas bien

 

Elle se dirige vers la fenêtre, qu’elle essaie d’ouvrir mais celle-ci aussi reste bloquée."

 

(Extrait de Porte close, 2020)

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